Russie Russie virtuelle

HUMOUR


Paul Itolog

Notre envoyé très spécial à Washington
(suite)


Fin novembre 2002
- Monsieur le Président, un certain Chirac, qui se dit président d'une province d'Europe, vous fait demander quelle preuve nous avons que Saddam Hussein s'équipe d'armes de destruction massive.
- Répondez-lui qu'on lui en a vendu plein vers 1980!
(éclats de rire des conseillers, épatés par l'humour du président et par sa vivacité d'esprit ce matin; aurait-il pris quelque chose pour stimuler son intellect pendant cette crise militaire ?)


Décembre 2002
Ce matin-là, le président est survolté. Les conseillers flairent le gros coup, mais redoutent aussi une lubie de leur président préféré, quoique fantasque.
- Messieurs, la deuxième guerre mondiale d'Irak est presque commencée, donc presque finie: gagnée. C'est déjà du passé, annonce-t-il avec emphase. Il faut préparer l'avenir, et l'avenir c'est l'écologie!
Stupeur des conseillers devant ce gros mot qu'on n'emploie jamais à la Maison-Blanche depuis les dernières élections.
- Euh, je veux dire, se rattrape le président, l'avenir, c'est l'eau!
Les conseillers se regardent, chacun pensant que le président n'a pas bu que de l'eau à son petit-déjeuner.
- Oui: l'Amérique manque d'eau! Pour que nos citoyens lavent leur voiture tous les jours, pour que des terrains de golfs surgissent partout où l'on manque d'eau pour les arroser, pour que des villes naissent dans le désert, il nous faudra de plus en plus d'eau!
- D'autant plus que la grande nappe phréatique baisse dangereusement, risque un conseiller, s'attirant immédiatement un coup d'oeil "à surveiller, tendance écolo" de la part de ses rivaux de l'état-major.
- Et bien, Messieurs, j'ai trouvé la solution: nous allons ajouter une étoile au drapeau américain, nous allons agrandir notre terre sacrée! Nous allons annexer le Canada!!!
Stupeur et silence autour de la table, qui attend la suite.
- Oui, Messieurs, qui a tellement d'eau qu'ils sont obligés d'en faire de la neige? Qui a des montagnes hautes comme des glaciers? Notre ami, notre voisin: le Canada! En plus, ce n'est pas vraiment un pays étranger, ils parlent déjà américain. Et le Canada est pratiquement inhabité.
- Mais... Monsieur, et les tribus indiennes?
- On sait s'occuper des problèmes indiens, non? rigola le président.
- Et les francophones?
- On en fera des chef-cuisiniers!
- Et l'armée canadienne?
- Quelle armée? répliqua-t-il, décidément en verve. De toute façon, c'est une évidence: une terre immense juste à côté, pleine de vide et de gens qui parlent américain, c'est à nous. En plus, si vous regardez une carte, comment ça s'appelle tout ça? L'Amérique du Nord!
Et j'annoncerai mon grand projet à Noël, comme un cadeau de Dieu à la nation!


Décembre 2002
La secte Raelienne vient d'annoncer officiellement la naissance du premier bébé cloné. Le gouvernement américain a fait part de son indignation. Notre reporter a pu, grâce à son informateur qu'il a surnommé "Gorge accueillante" pour des raisons de sécurité, obtenir le compte-rendu de la réunion de crise:
- C'est choquant! s'indigna soudain le président devant son état-major. Imaginer que moi, George W. Bush, je ne sois pas unique, qu'on puisse faire un double de moi, un autre moi-même, c'est criminel!
- Révoltant! confirma un assistant.
- Inimaginable! renchérit un autre.
- Un cauchemar! Une offense à Dieu!
- Et au bon sens... confirma le dernier. Un seul président nous suffit...
- Heureux de voir que vous êtes de mon avis. Dieu est unique (je ne compte pas les Mahomet, Bouddha et autres imposteurs); il n'a pas de clone. Les hommes ne sauraient donc avoir un double, même les plus illustres d'entre eux. Préparez-moi une déclaration officielle dans ce sens. N'oubliez pas que nous devons guider le monde libre sur le chemin de Dieu, qui est plein de cailloux.


Janvier 2003
En ces temps de tension internationale, il faut bien décompresser, même à la Maison-Blanche. Un reporter a recueilli pour vous la dernière blague qui circule dans les couloirs:
Quelle est la différence entre la politique américaine de Bill Clinton et celle de George Bush?
Aucune: ils sont tous les deux l'instrument du Seigneur.
Mais d'après Monica et Hillary, Bill a un meilleur instrument.


Février 2003
Au sein de la cellule secrète de guerre psychologique du Pentagone, située au niveau secret (du sous-sol).
- Où en est-on? demande le chef (seulement connu sous le sobriquet de "le Chef").
- Ça va: après la campagne contre l'Irak, la moitié des Américains croient maintenant que les kamikazes du onze septembre étaient des Irakiens.
- Nous avons débuté la deuxième phase expliquant que c'est le carburant des avions qui venait d'Arabie Saoudite, précise le troisième.
- Bien. Et maintenant?
- Après la campagne des médias contre la France, il semblera plausible que les pirates aient pu être français; en tout cas, l'un d'eux a été pris en photo par les caméras de surveillance de l'aéroport, avant l'embarquement, en train de manger du fromage. Du moins, de loin ça ressemblait à du fromage.
- Excellent. Passez l'info et la photo à Colin Powell.
- Mais... après le coup du rapport anglais bidon qu'il a sorti à l'ONU, ça ne fera pas trop?
- Rien n'est jamais trop gros. Retenez ça si vous voulez continuer ici. Il faut taper plus fort! Par exemple: les avions de l'attentat, est-ce qu'il ne s'agissait pas du Concorde ou d'Airbus? Avec les débris, on n'est jamais sûr... Passez l'info aux journaux.
- Génial, chef.


Mars 2003
Niveau moins dix du Pentagone, cellule de guerre psychologique, porte anonyme:
- Il faut commencer à forger au Président une stature de chef de guerre. Des idées?
- Si la guerre se termine vite, avec peu de pertes dans nos rangs et peu de dommages collatéraux, suivi d'une stabilisation de la région?
- Dites, c'est le Président qui croit en Dieu et prie tous les matins, pas nous.
- Il doit demander un miracle! plaisante le boute-en-train du service.
- Soyons sérieux: des idées si ça tourne mal?
Le silence pesant confirme que ce serait plus difficile. Un courageux se lance:
- J'aurai bien une idée...
- Allez-y! l'encourage le chef. Ici, je veux des créatifs.
- Voilà: il faut lancer une campagne pour convaincre les Américains que George W. Bush est le plus grand chef de guerre de tous les temps! Plus fort qu'Alexandre le Grand ou César!
- Et comment vous voyez ça? demande le patron, aussi sceptique que curieux.
- Voilà: c'est le seul commandant en chef qui ait convaincu son adversaire de détruire certaines de ses armes (et non des moindres: des missiles quand même...), avant le début du conflit.
- Pas mal, concéda le patron; c'est un axe intéressant. Travaillez-moi ça.


Mars 2003 (un mois décidément très chargé)
À la Maison-Blanche, le président
- Je me sens en forme. Cette guerre se présente bien, finalement. Mais... est-ce qu'en six mois, avant les élections, on aura le temps d'attaquer tous les dictateurs qui menacent la paix? Un prix Nobel de la Paix assurerait ma réélection.
- C'est que, Monsieur le Président, il y a trop de dictatures dans le monde. Et, euh... certaines sont, comment dire, des partenaires.
- Et si on enlève nos partenaires, et aussi les copains à papa, et les rois, et les princes?
- Il y a d'autres difficultés: la Corée possède la bombe.
- Une seule? Et alors?
- La bombe atomique, Monsieur le Président.
- Ah oui, c'est vrai. La politique, c'est pas facile.


Début mars 2003
Depuis deux mois, médias anglais et américains font preuve d'une hystérie anti-française digne de la guerre de cent ans.
Décembre 2002: un journaliste français est écrasé au Koweit par un char américain.
Février 2003: une jeune Française est écrasée sur une plage par un policier américain.
Faut-il y voir un complot? Non. Mais, Françaises, Français, si vous voyagez aux USA, ou si simplement vous connaissez des Américains: achetez un rétroviseur. On n'est jamais trop prudent.


10 mars 2003
Discussion cruciale à l'ONU. Mais, devant l'indifférence américaine pour l'opinion mondiale, notre reporter a préféré rapporter une blague entendue dans les couloirs de l'ONU, devant la machine à café:
- Pourquoi Ben Laden porte-t-il toujours une barbe?
- Pour cacher qu'il s'appelle Saddam Hussein!


11 mars 2003
Devant la même machine à café, notre reporter a surpris une nouvelle blague:
- Pourquoi les Américains attaquent-ils l'Irak?
- Ah ça, c'est facile: parce que Ben Laden se cache au Pakistan, que les pilotes du 11-9 étaient d'Arabie Saoudite et que la Corée du Nord fabrique des armes de destruction massive!
- Non, non: c'est parce que Saddam Hussein se moque du monde depuis douze ans, que ça fera treize cette année, et que George Bush est superstitieux!

.......
Le Président se réveille en sursaut.
- Qu'est-ce qu'il t'arrive, chéri?
- J'ai fait un affreux cauchemar!
- Raconte.
- Il y avait Donald Rumsfeld, qui me pressait d'attaquer maintenant la Corée par une frappe nucléaire préventive unilatérale, ensuite Condolezza Rice disait qu'il fallait attaquer tous les pays où les femmes n'avaient pas le droit de commander les hommes, et pour finir Colin Powell me disait qu'il fallait aussi faire quelque chose pour les opprimés du tiers-monde, renverser toutes les dictatures...
- Et qu'est-ce que tu as répondu?
- J'ai dit OK, bien sûr!
- C'est un beau rêve, chéri, mais où est le cauchemar?
- C'est qu'ensuite, Dieu est arrivé, sur un beau cheval blanc, avec un grand chapeau de cow-boy, et il m'a dit: "Tu es un bon gars, George, mais maintenant il faut te reposer, et arrête de m'appeler tous les matins, j'ai des bourdonnements dans les oreilles."


Beaucoup se demandent à quoi rime la prière quotidienne de George Bush et de son état-major. Notre reporter, d'après une source haut placée, a pu savoir ce que marmonnait le Président durant sa prière:
- Mon Dieu, Toi qui a pu créer le monde en sept jours, dis-moi comment réaliser en six mois une "contagion démocratique" au Moyen-Orient... A la réflexion, dis-moi simplement comment sortir de ce guêpier et je m'en contenterai.
Une autre source affirme avoir entendu autre chose:
- Mon Dieu, fais un petit miracle: envoie un infarctus à Saddam Hussein, ou fais qu'un de ses généraux lui colle une balle dans la tête. Merci, mon Dieu.


16 mars
Réunion secrète (pour ne pas fâcher davantage les Américains) des chefs d'État - partisans de la paix en Irak, dominée par le trio des présidents français, russe et chinois.
- Moi, je suis contre la guerre en Irak, commença le président Poutine. La Paix d'abord, c'est ma devise. Dites, au fait, vous avez vu comment j'ai pacifié la Tchétchénie?
- Et moi, se rengorgea Jiang Zemin, je ne veux pas paraître prétentieux, mais il n'y a pas plus calme que le Tibet depuis qu'il s'est uni à la Chine (à la demande de la population).
- Et moi, s'enflamma le président français qui trépignait, vous avez vu comment je leur ai parlé, moi, aux Américains! La paix, il n'y a que ça de vrai. Je l'ai découvert quand tout le monde m'a engueulé après l'explosion d'une petite bombe nucléaire française dans le Pacifique.
Ces trois pacifistes convaincus se congratulèrent, lorsque le président français ajouta:
- Euh... puisque vous êtes des spécialistes, vous ne pourriez pas me pacifier la Corse?
- Non, non! se récrièrent les présidents de la Russie et de la Chine, en tant que pacifistes, on ne peut pas. Vous devriez plutôt en parler à George W. Bush.
- Bonne idée ça, quoique... en ce moment, on serait plutôt en froid.
Le président français appelle George W. Bush:
- Allô, George? C'est Chirac.
- Oui (d'un ton glacial).
- Je me suis toujours demandé, le W. dans ton nom, il veut dire Waou, Why ou What?
- What?
- Ah d'accord, je comprends mieux...
Puis le président français expliqua son problème Corse.
- OK, OK, on est assez occupés en ce moment, mais c'est parti.
Une courte conversation "off", quelques bruits électroniques, puis:
- Ça y est, Jacques, vous ne le méritez pas, mais c'est fait, je viens de dérouter un missile de croisière: il sera en Corse dans quelques heures.
- Quoi, quoi?! What? What!! Je déconnais, George! Sans blague, it was a Joke, a JOKE, STOP, STOP IT! STOP IT!
- Crazy frenchmen, savent jamais ce qu'ils veulent, shit.
- Allô, allô, ALLÔ! Merde, il a raccroché, ce con. Vous, là: passez-moi la défense aérienne française....
Allô, oui, c'est Chirac, oui, le président. Dites, regardez-moi le ciel entre l'Italie et la Corse, vous ne verriez pas un truc, par hasard?
- Quel genre de truc, Monsieur le Président?
- Comme un gros cigare avec des petites ailes.
- Pardon?
- Une sorte d'avion de croisière mais qui ressemblerait à un missile.
- Un... missile de croisière? Vous confirmez?
- Non, je ne confirme pas du tout, je déments même, mais je confirme la description. Alors, vous le voyez, oui ou merde? Tenez-moi au courant.
Au QG de la défense aérienne française, les deux contrôleurs aériens militaires osent ce commentaire irrévérencieux:
- Il a bien parlé aux Amerloques l'autre jour, mais il n'a quand même pas les nerfs de de Gaulle!
Le président français:
- Allô, Mr le Ministre de l'intérieur?
- Oui, Monsieur le Président.
- En tant que chef d'État, j'ai eu une information privilégiée, de grand personnage à grand personnage, vous voyez?
- Euh, oui, Monsieur le Président.
- Alors voilà: si vous entendez un gros boum sur la Corse, précisez bien que ce sont les nationalistes... J'ai entendu dire qu'ils avaient un nouvel explosif un peu trop puissant, les filières de l'Est, trafic d'armes, terrorisme, complot international et tout ça, quoi... Préparez un communiqué, juste au cas où. Compris?
- Non. Euh... oui, Monsieur le Président.


18 mars
La météo de Bagdad:
"Orageux, risque d'averse, pluie de bombes avec chute de grêlons. Tous aux abris. Les rats occidentaux ont quitté le navire."


19 mars: la guerre
Un tapis de bombes est tombé sur des Perses tapis.
D'après un communiqué du Pentagone, quelques tapis persans ont été abîmés.


20 mars
Peu après le début des hostilités, les Américains auraient essayé de liquider Saddam Hussein, sur la foi d'une information privilégiée, fournie par la CIA:
À telle heure, un homme (probablement) ressemblant fortement à un sosie des clones de Saddam Hussein va sortir d'un des 21 palais présidentiels, en voiture, en char ou en camion banalisé. Cela paraît être une occasion à ne pas manquer de décapiter le pouvoir Irakien.


21 mars
- J'ai l'impression que les Irakiens connaissaient la date de notre guerre. Il y a des fuites dans nos rangs. Prévenez le FBI.
- Monsieur le Président, grâce à notre ultimatum et à la météo ils pouvaient effectivement presque avoir l'heure exacte de notre offensive.
- Où va l'Amérique? Quand j'étais gouverneur du Texas, la météo se contentait de donner la météo... quoique parfois aussi le cours du baril de brut, c'est vrai.


22 mars
- Et pour le Kurdistan, Monsieur le président?
- Le Kurdistan?
George W. Bush consulte fébrilement ses notes:
- On m'a briefé sur l'Afghanistan, le Tadjikistan, Gengis Khan, la Turquie, l'Assyrie, l'Iran, L'Arabie des copains de papa, mais personne ne m'a parlé du Kurdistan! Mes conseillers sont nuls.
- Le pays n'existe pas encore, Monsieur.
- Avec tous les pays qu'il y a dans cette région, et que j'ai du mal à retenir, vous osez me parlez d'un qui n'existe pas encore? Vous voulez changer de job?
- C'est-à-dire... certains pensent qu'il risque d'exister, mais d'autres s'y opposent...
- Vous aggravez votre cas, mon vieux.
- Ils ont du pétrole! lança alors le malheureux conseiller, soudainement inspiré, se rappelant l'effet magique du mot pétrole sur le président.
(nota: en fait, sur toute la famille Bush, sur la majorité des ministres et sur tous les Texans en général).
- Ah! Excellent! Alors, où est ce mystérieux pays qui n'existe pas-encore-peut-être-peut-être-pas?
- Il y a des Kurdes dessus, précisa le conseiller, soucieux de ne pas infliger au président un cours de géographie.
- Facile: quand l'Irak sera sous protectorat américain, on gardera les Irakiens et on chassera les Kurdes et les chiites. On gardera aussi le pétrole.
- Mais... les Kurdes sont des Irakiens! Enfin, la plupart.
- Vous venez de me dire que ce sont des Kurdes et des chiites! Mon vieux, vous n'avez pas l'esprit clair pour un conseiller...
- En plus, il y a un autre problème: les Turcs vont sûrement vouloir s'emparer du Kurdistan...
- Vous venez de me dire que ça n'existait pas, le Turquistan!
- Oui Monsieur, je voulais dire: les Turcs voudront du pétrole et des terres!
- Ah! Ça je comprends! Ils ont raison. Vous voyez, quand vous voulez, vous arrivez à être clair. Est-ce qu'on peut bombarder les Turcs?
- Non Monsieur, ce sont des alliés, membres de l'OTAN.
- Ah oui, pardon; je le savais. Avec vos histoires kurdes, vous m'avez embrouillé. Écoutez, on va faire simple: faites savoir qu'on soutiendra tous les Kurdes et tous les chiites, du moment qu'ils se montreront de bons chrétiens. Enfin, c'est l'esprit, préparez-moi un mémo dans ce sens.


21 mars
3000 bombes de destruction modérée sont tombées sur les armes de destruction massive irakiennes.
Celles-ci étaient déjà difficiles à trouver, mais alors maintenant, en mille morceaux ou enterrées sous les décombres, il va falloir rappeler les inspecteurs de l'ONU.
(L'utilisation de chiens d'avalanche spécialement dressés à flairer les armes de destruction massive est à l'étude pour l'après-guerre).


23 mars
Conférence de guerre à la Maison Blanche. Un conseiller demande la parole:
- Monsieur le Président, il y a un problème potentiel avec...
- J'ai déjà une tonne de problèmes réels, et vous voulez me parler d'un problème potentiel? Vous débutez ou quoi?
- Euh, non, c'est-à-dire, il s'agit d'un risque de guerre entre les Kurdes et la Turquie, voire entre nous et les Turcs, Monsieur le Président.
- Faudrait savoir. Dites, ce n'est pas vous qui avez déjà essayé de m'embrouiller il y a quelques jours au sujet du Turquistan? Vous savez que j'ai cherché le soir même dans mon dictionnaire et que je n'ai pas trouvé ce pays?
- Il n'existe pas encore, Monsieur le Président. Ni le Kurdistan, ni le Turquistan.
- Ah. Alors, à cause de vous, j'ai jeté mon meilleur dico?
- Vous avez les meilleurs conseillers du Monde, Monsieur le Président, et Dieu vous guide, et guide l'Amérique, vous n'avez pas besoin d'un dictionnaire, si je peux me permettre. Vous avez bien fait, Monsieur le Président.
- Vous êtes un malin, vous, pas vrai... Mais j'aime ça. Ça va pour cette fois. Alors que se passe-t-il au Turquist... là-bas?
- Nous avons garanti l'autonomie aux Kurdes (au nord de l'Irak), mais la Turquie (pays voisin et allié) n'en veut pas et prépare ses troupes à pénétrer au Kurdistan (le Nord de l'Irak), avec en arrière-plan une lutte pour le contrôle d'une ville au sud...
- Au sud? Vous avez dit que cette pagaille, c'était au Nord de l'Irak!
- Oui, mais cette ville au sud du nord pourrait devenir une capitale kurde et avec un riche champ de pétrole qui...
- Ah! Du pétrole, ça je pige. Mais vous êtes toujours aussi confus, mon vieux. La guerre, c'est simple, l'axe du mal, l'axe du bien, les bons et les méchants. Mes généraux pensent comme moi. Dites-leur qui sont les méchants dans cette histoire de Turquist... de Kurd... au nord de l'Irak, et ils s'en occuperont.
- Oui Monsieur le Président. c'est-à-dire... ce sont tous les deux nos alliés...
- Quelle époque! Des alliés qui veulent se battre entre eux! J'aurais dû faire 39-45, c'était grandiose! Ou même la guerre du Koweït comme papa, et moi j'aurais pas laissé Saddam échapper à la colère divine. Ah la la! Colin Powell m'avait bien dit que c'était un sale coin pour faire une guerre propre.
- Ou un bon coin pour faire une guerre sale... risqua X à mi-voix autour de la table de conférence (mon rédac'chef m'a interdit de révéler l'identité du plaisantin, qui se trouve également être notre informateur).
- D'un autre côté, vous disposez d'un armement technologique fabuleux, du jamais vu dans l'Histoire, Monsieur le Président, rajouta le malheureux conseiller.
- Ah! Très juste... Vous remontez dans mon estime, vous. Est-ce que les ordinateurs nous diront quoi faire pour cette histoire au Nord de l'Irak?
- Oui Monsieur le Président, si on rentre les bonnes données... on aura la réponse.
- Alors ne m'embêtez plus avec ça. Je m'occupe de la stratégie, mais laissez la tactique au général Franks et à ses ordinateurs!


23 mars
Notre entreprenant reporter qui couvre le front a pu se procurer un de ces fameux tracts, lancés par avion sur l'armée irakienne pour les convaincre de ne pas soutenir un dictateur:
"Soldats, rendez-vous! Ne soutenez pas un chef fanatique qui se prétend guidé par Dieu, hissez le drapeau blanc devant nos troupes et il ne vous sera fait aucun mal; vous serez bien traités, nourris, logés.
Votre président criminel utilise des armes bactériologiques interdites: il veut nous envoyer le virus contagieux de la démocratie!
Les Américains sortent les bébés des couveuses et les posent sur le sol glacé du désert...
Vive l'Irak! Inch'Allah!
Euh... Il semble que notre reporter ait commis une petite confusion; il s'agirait en fait d'un tract grossier, placardé par les troupes Irakiennes le long des routes sur le passage des forces américaines. Les boys les stockent dans les chars pour ne pas manquer de papier-toilette, et il semble y avoir eu un malentendu sur l'usage que notre reporter comptait en faire.
Dans ce climat d'intense propagande et de manipulation des médias, nous espérons que vous, lecteurs vigilants, aurez rectifié de vous-mêmes cette erreur et que vous nous garderez votre confiance.
Vive l'Amér... vive la Fran... Euh... vive l'Objectivité.


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